En sortant fumer une goldo
Il a bien crissé son mon pied
Mais je l'ai pas entendu crier
Petite chanson dont j'écrirai la musique demain. Enfin, si j'ai le temps.
Demain c'est sûr je nettoie la voiture
C'est vrai je te jure je répare la toiture
Quand j'aurai le temps j'écrirai un roman
Dans pas longtemps je rappellerai maman
La semaine prochaine je change de boulot
Et ce week-end je ressors les vélos
Si j'ai le temps j'accorde ma Gibson
Et au printemps je jouerai comme Clapton
Le démon du canap'
En deux secondes il te frappe
En deux secondes il t'attrape
En deux secondes il te happe
L'année prochaine j'te suis dans ton footing
Je traîne déjà tout le temps en jogging
Incessamment je t'emmène au Bélize
Je te dis pas quand faut qu'ça reste une surprise
Avant ma retraite faut que je fasse des projets
Tiens ce serait chouette d'apprendre le balinais
Etre ambitieux accomplir quelque chose
Avant d'être vieux et d'en avoir ma dose
La sorcière des pantoufles
En moins de deux elle te chouffe
En moins de deux elle t'étouffe
En moins de deux elle te bouffe
Je repousserai l'esprit du farniente
Je snoberai la fée de la télé
Je l'écraserai le lutin du hamac
J'exorciserai la magie du transat
J'ignorerai le chant du pas-tout-de-suite
Je mépriserai la beauté de la fuite
J'entendrai pas l'appel du bon bain chaud
J'subirai plus le vaudou du dodo
Le gros monsieur qui téléphone
Pendant une heure à sa maman
La vieille dame qui marmonne
Non mais y en a non mais vraiment
La demoiselle en face de moi
Qui met ses pieds sur mon fauteuil
Ne porte pas de bas de soie
Elle a une coquetterie dans l'oeil
Un groupe d'ados qui fument un joint
Et des marmots très énervés
La clim en panne au mois de juin
Et le chauffage en février
Les cadres sont très supérieurs
Ils voyagent toujours en première
Ils ont tous des ordinateurs
Et sont très forts au solitaire
Je n'oublie jamais rien à bord
Quand je voyage en TER
Je n'oublie jamais rien à bord
A part mes petites galères
Ah, prendre le train tous les jours
Comme au théâtre, être abonné
Etre transporté par l'amour
(Oui) voilà ce que j'aimerais
Je me sentirais pris en otage
Comme les usagers de la grève
Je pourrais enfin crier ma rage
A la télé, ce serait mon rêve
Quand la vie manque de distance
Quand on est au bord de la faille
C'est une douce dépendance
Que de se taper un bon rail
Quand vous êtes d'humeur chagrine
Quand le malheur ne manque pas d'air
Plutôt que de la cocaïne
Faites-vous une ligne de TER
Refrain
Si Madame de Sévigné
Avait eu sa correspondance
Elle aurait économisé
Des frais postaux en abondance
Si l'autobus a la vie dure
Si le métro n'est pas vilain
Le TER je vous l'assure
Est un transport hors du commun
Refrain
Ce matin j’étais tellement bien dans mon lit, j’écrasais tellement que je me suis dit qu’il faudrait que j’invente l’histoire du gars qui écrase tellement qu’il en vient à souhaiter de rester collé comme ça à son oreiller et qui se retrouve effectivement collé à son oreiller parce que son souhait est exaucé.
Du coup, il essaie de couper avec des ciseaux mais pas moyen ça fait trop mal, il va au boulot comme ça, il se tape la honte mais ça a des côtés pratiques par exemple pour dormir dans le train ou dans les repas de famille quand Tata Thérèse raconte comment elle a appris le jerk à son épagneul un soir de septembre.
Le problème quand même, parce qu’il faut qu’il y ait un problème, c’est qu’il finit par perdre son boulot. En même temps, c’était pas le gars très motivé déjà au départ, c’était un genre de rêveur un peu paresseux, le genre à dormir tout habillé et à tremper un reste de pizza aux anchois dans son café du matin tellement il avait pas le courage de sortir acheter du pain. Faut dire qu’il avait pas non plus tellement de vie sociale, il n’avait personne dans sa vie, encore moins dans son lit. Mais jusqu’ici, en bon pantouflard, ça l’avait jamais empêché de dormir. Sauf que là, entre la perte de boulot et les gens qui le moquaient dans la rue, il avait tellement de soucis qu’il en perdait le sommeil.
C’est ça qui fait qu’il commence à sortir un peu plus le soir, au cinéma, au théâtre, et puis au bistrot. Entrez dans un café un peu chaleureux avec un oreiller collé à la joue comme ça et vous verrez que vous aurez plein de gens qui viendront vous parler, vous serez une sorte de vedette.
Ça c’était nouveau pour lui et même un soir il a fait la rencontre d’une jeune et jolie femme. Eh bien notre paresseux figurez-vous qu’il a eu le courage de l’inviter chez lui prendre un lait chaud, chose dont il n’aurait jamais eu le courage auparavant, parce que ça le fatiguait trop de faire la conversation.
Et puis pour trouver une fin un peu jolie on dirait que la fille passerait la nuit chez lui, qu’elle resterait dormir là, sur l’autre face de l’oreiller et que ce serait comme ça que le sortilège prendrait fin. Bon, elle finirait quand même par le quitter parce qu’il serait vraiment trop fainéant, comme gars.
J'ai bien envie de l'écrire, cette histoire, mais j'ai trop pas le courage.
Jessica se sentait prise en otage. A la journaliste qui lui demanda si, des fois, elle ne se sentait pas comme prise en otage, elle répondit que si, justement, elle se sentait tout à fait prise en otage. Jessica travaillait, elle, son employeur en avait plus que ras le haut de forme des retards dus aux transports en commun, or elle n'avait pas la sécurité de l'emploi, elle, les trente-cinq heures avaient fait beaucoup de mal, il n'y avait qu'à regarder les anglo-saxons, chez eux ce serait carrément impensable, d'ailleurs c'est même le mouvement inverse, on y travaille de plus en plus, il n'y a qu'à regarder les chiffres de la croissance et que si on croit que les Chinois ils ont le droit de faire grève, eux, ils sont déjà à trente-cinq heures par jour et voilà, quoi, une fois de plus c'est une minorité de privilégiés qui emmerdent les gens qui travaillent, excusez-moi si je suis vulgaire mais faut dire les choses comme elles sont, quoi, c'est vrai. En achevant de donner son sentiment à la journaliste, Jessica eut des sanglots dans la voix. Un dernier regard caméra où se mélangent la rage de devoir quand même passer une journée au travail alors que des fainéants qui font grève lui compliquent la vie et un désespoir vrai de n'avoir rien d'autre à répondre à la question qui lui est posée à chaque fois qu'il y a une grève dans les transports en commun.